Au cours de dernières années, des débats dans le domaine de la philosophie analytique (voir, parmi d'autres, de Clercq, 2013 ; Cometti, 2016 ; Lamarque, 2016 ; Savile, 2017 ; Stopford 2017) ont remis en question les hypothèses qui sous-tendent l'éthique de la restauration contemporaine. Les restaurateurs basent leurs choix sur des idées implicites concernant l'authenticité, l'identité et la persistance temporale des œuvres d'art, idées qui se prêtent à faire l'objet d'une évaluation philosophique plus systématique.
Mon point de départ c'est que notre conception de l'authenticité - qui jette les bases de notre théorie de la restauration - dépend du cadre métaphysique que nous utilisons pour classer les objets d'art. On a une substance, l'œuvre, qui reste soi-même bien que ses propriétés aient changé. On a ainsi besoin d'un moyen ontologique d'identifier cette entité durable, si l'on veut comprendre la nature précise de l'objet qui doit être protégé et la façon de cette préservation : la seconde (le quoi) dépend de la première (le comment).
Je soutiens que, du point de vue de la théorie de la conservation, on ne peut pas considérer les œuvres ni comme des objets physiques, dont l'authenticité est déterminée par l'auteur même, ni comme des êtres vivants dont le changement dans le temps correspond à une évolution organique, mais plutôt comme des objets sociaux au sens de Searle (1995). Sauvegarder l'authenticité dans la conservation va de pair avec préserver la continuité de l'œuvre, i.e., sa lisibilité structurelle. Mais quelles sont les propriétés structurelles d'une œuvre ?
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